L’histoire des petits singes ou laisser à l’autre ce qui lui appartient

Vous voulez aider tout le monde, vous respirez pour la relation, mais êtes-vous bienveillant.e envers vous même ?

Sur mon chemin, j’ai eu la chance de rencontrer un professeur qui nous répétait de toujours veiller à rendre à l’autre ses « petits singes » avant de prendre congé de la personne.

De quoi parlait-il ?

Voici donc « L’histoire des petits singes ».

Ali marchait toujours accompagné de ses trois petits singes. Ils étaient perchés sur lui naturellement, comme s’ils faisaient partie de son corps. Il connaissait leurs habitudes, leurs besoins, leurs jeux. Ensemble, ils se déplaçaient avec aisance et légèreté. Ali ne se sentait jamais fatigué, car ce lien était vivant, juste et équilibré.

Parfois, lorsqu’un singe grandissait ou qu’un autre l’appelait ailleurs, Ali en confiait un, et en accueillait un nouveau. Mais il veillait toujours à cette règle simple et précieuse : jamais plus de trois petits singes sur ses épaules. Ainsi, tout allait bien.

Un jour pourtant, il croisa un autre dresseur de petits singes.

Ils s’approchèrent, souriants, et se serrèrent la main. À cet instant précis, quelque chose d’étrange se produisit : l’un des petits singes de l’autre dresseur se mit à courir le long des bras, traversa la poignée de main, et vint s’installer sur l’épaule d’Ali. Avant qu’il ne comprenne ce qui se passait, l’autre dresseur était déjà reparti.

Ali continua son chemin… et le phénomène se reproduisit. À chaque rencontre, d’autres petits singes quittaient leur dresseur pour grimper sur lui. Sans qu’il sache dire non. Sans même s’en rendre compte.

Peu à peu, ses épaules s’alourdissaient.

Ali se mit à ressentir une fatigue profonde. Porter tous ces petits singes, qui n’étaient pas les siens, lui demandait une énergie immense. Il fallait les nourrir, veiller sur eux, calmer leurs cris, répondre à leurs besoins. Pire encore : leurs véritables dresseurs venaient parfois inspecter leur état, jugeant, reprochant, exigeant. Ali faisait de son mieux, mais il se sentait dépassé.

Sa vie devint lourde… même étouffante.

Et ce qui le peinait le plus, c’est qu’il n’avait plus le temps ni la force de s’occuper de ses propres petits singes. Ceux-là même qu’il aimait, qu’il voulait cajoler, éduquer, accompagner. Ils recevaient de lui des miettes d’attention, et Ali sentait au fond de lui que quelque chose n’était plus juste.

Un jour, épuisé, Ali se demanda sincèrement :

« Comment vais-je m’en sortir ? »

C’est alors qu’il rencontra un homme d’une grande sagesse.

Après l’avoir écouté longuement, le sage lui dit calmement :

« Retourne voir les personnes à qui appartiennent ces petits singes. Approche-les, serre-leur la main. Et pendant ce contact, demande au petit singe, poliment, doucement et fermement, de retourner sur l’épaule de son véritable dresseur. Dès qu’il sera passé… lâche la main. Puis recommence. Un singe à la fois. »

Ali entreprit ce chemin.

Il retrouva un à un les propriétaires. Ce fut long, parfois inconfortable. Certains petits singes résistaient. Certains dresseurs faisaient semblant de ne pas voir, ou ne voulaient pas reprendre ce qui leur appartenait. Mais Ali persévéra. Il se souvenait de cette sagesse ancienne :

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. »

Et petit à petit… ses épaules se libérèrent.

Un jour, Ali se réveilla exactement comme autrefois, avec seulement ses trois petits singes à lui. Il se sentait léger. Présent. Vivant. Ses singes retrouvaient toute son attention, toute sa chaleur, toute sa justesse.

Depuis ce jour, Ali est resté attentif. Lorsqu’il croise un autre dresseur de petits singes, il sait désormais garder la bonne distance, préserver ce qui lui appartient, et respecter ce qui appartient aux autres.

Et souvent, il sourit en se rappelant cette phrase simple que lui disait son grand-père :

« Chacun chez soi… et les petits singes seront bien gardés. »

 

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