J’en étais tellement fière que je l’ai écrit à ma collègue: » trajet fait en 6 minutes ».
Soit, la moitié du temps habituel pour parcourir le chemin qui séparait mon bureau de la gare.
Essoufflée, je cherchais où me poser avec ce sac à dos imposant.
Elle m’a indiqué la place devant elle en me souhaitant la bienvenue.
Après 15 minutes, j’étais à jour. Mes 3 boîtes e-mail avaient été vérifiées. Je pouvais démarrer une série pour le reste de mon trajet.
« Il y aura beaucoup d’arrêts avec ce train ? »
Voilà comment elle a engagé la conversation.
« Prenez le temps de vous poser. Je vous observe depuis que vous êtes montée dans le train et c’est « vite vite », vous êtes à peine posée que vous êtes dans votre gsm.
A ce rythme-là vous n’atteindrez pas mon âge.
Vous semblez avoir l’âge de mes enfants mais notre génération est inquiète pour la vôtre. Je vois sur le visage de mon fils des rides que je n’ai pas. »
Devant moi était assise une femme noire, avec un bonnet beige, un pull mauve épais qui lui tenait le cou. Elle semblait libre.
Elle m’a raconté sa vie en Flandres où les interactions sociales sont limitées quand on a la peau noire et qu’on parle le français.
Elle m’a transportée dans ses voyages au Sénégal et au Rwanda. Je pouvais sentir la chaleur et les couleurs de l’Afrique à travers ses mots.
« Il est important de se poser, de vivre et de se rapprocher de ses origines. Allez en Afrique, imprégnez-vous de la culture et revenez enrichie de vos racines. »
Je n’entendais plus les annonces d’arrivées en gare, le temps n’existait plus et ce wagon était vide. Nous étions seules dans cet ailleurs.
« Ne cessez jamais de sourire. Maintenant je vous vois.
C’est avec votre sourire que j’ai pu accéder à vous. Vous êtes une personne lumineuse qui donne envie de la suivre.
Quand vous ne souriez pas, vous privez l’autre de qui vous êtes. »
Et puis c’était ma gare.
Parcourir ce chemin en 6 minutes m’a apporté plus que l’effort fourni.